Je m’installai au bureau en soupirant. Et oui, même en plein milieu des vacances, il fallait encore travailler ... enfin bon, c’était peut-être toujours mieux que de rien faire chez moi.

Il y a de cela quelques semaines, le directeur du lycée m’avait fait part de son idée d’organiser quelques cours d’initiation à la philosophie pour les 3ème, futurs lycéens. Il disait que c’était important, que ça les préparait à la vie et les aider à développer leur pensée. Selon moi, ce qui était important, c’était plutôt le large déficit du lycée, provoqué par les récents travaux de rénovation dans le bureau du directeur. Ah, j’en aurais des choses à dire, à la prochaine réunion de syndic ...

Enfin bref. Le directeur voulait donc des cours de philo, et il s’est naturellement tourné vers «le très talentueux professeur Collins », comme qu’y disait, seul professeur disponible. Cherchant de l’argent pour pouvoir partir en vacances, j’ai répondu à l’appel et me voilà donc enfermé dans une salle de classe, attendant l’arrivée des élèves.

Je regardai ma montre d’un œil absent et fit passer le temps en jouer avec un stylo. Cinq minutes que le cours était sensé avoir commencé et pas un seul élève n’était présent. S’il y avait bel et bien des gens qui s’étaient inscris, la ponctualité n’était apparemment pas leur point fort ... en même temps, aller en cours en plein mois de juillet ...

Après une dizaine de minutes passées à attendre assis à mon bureau, désespérant de voir quelqu’un arriver, je me levai et marcha un peu dans la pièce avant de me poser devant la fenêtre.
Ca faisait bizarre de voir la cour habituellement pleine de vie complètement déserte. Ca faisait un peu lycée-fantôme ...

Au moment où je m'étais résigné à l'idée de passer une heure tout seul et que j'avais commencé à lire des revus de people assis sur ma chaise avec les pieds sur la table, une étudiante finit par franchir le seuil de la porte.

- Monsieur ... je suis vraiment désolé ...de mon retard, j'avais complètement oublier ...le cours d'initiation.

Elle semblait à bout de souffle, comme si elle venait de faire un marathon. Voyant qu'elle avait l'air sincère, je décidai de la laisser tranquille et de l'accepter en cours. Enfin, c’était pas vraiment comme si j’avais le choix, j’allais pas virer la seule élève qui s'était inscrite à mon cours. Je lui fis alors un sourire rassurant comme j'en avais l'habitude et lui parla d'une voix chaleureuse.

- Ne vous inquiétez pas. 10 minutes de retard, ce n'est pas vraiment significatif, surtout en prenant compte du fait que vous êtes actuellement en vacances ... Je vous suis gré d'avoir tout de même daigné vous présentez à ce cours. Asseyez-vous donc. Vous avez l'embarras du choix pour votre place, étant la seule et unique élève de ce cours ... pour l'instant.

Je me rassis normalement avant de jeter un œil à la feuille d'appel. Non, elle n'était pas la seule inscrite. Peut-être les autres étaient-ils eux aussi simplement en retard, mais j'avais assez peine à y croire.

Je détaillai alors la jeune fille et compara son portrait aux photos à côté des noms affichées sur ma fiche. Yeux bruns, cheveux rosés ... oui, il me semblait qu'elle devait être Robine Clase. Encore une fois, mon sixième fois m'indiqua qu'elle n'était pas simplement mortelle. Cette ville était vraiment pleine de Dieux ...

- Je vous souhaite la bienvenue à mon cours, mademoiselle Clase. Je suis Mr Collins, et je serais votre professeur de philosophie durant la prochaine semaine.

Les présentations faites, je me mis en quête de trouver mes notes dans ma sacoche. C'était bien beau d'être prof maître de sa discipline, mais essayez de faire un cours structuré sans fiches de rappels.
C'est à ce moment-là que je remarquai l'absence du dossier dans lequel était mon cours. Boulet comme j’étais, j’avais oublié chez moi ce qui était le plus important ...

Pendant que je commençais tranquillement à paniquer en me rendant compte que j'allais devoir faire une heure à faire un cours en improvisation totale, une jeune fille se présenta à la porte de la classe. Comme si je n'avais pas assez de problèmes comme ça ...

- Euh, désolée, panne de réveil... J'm'appelle Eileen, le cours n'a pas commencé j'espère ?

La jeune fille attendit ma réponse avant de pouvoir le faire moindre geste. Elle semblait un peu angoissée, sans être tétanisée pour autant.
Je la regarda un petit  bout de temps, assez angoissé par ma situation. Puis, me rendant compte qu'elle piétinait sur place et qu'elle s'impatienta, je me dépêcha de reprendre mes esprits et lui adressa un grand sourire qui se voulu rassurant.

- Oh, ne vous inquiéte. J'allais justement commencer le cours ... Je vous en prie, allez vous assoir, mademoiselle ... je jeta un œil à la feuille d'appel ... Nils.

Une fois la jeune fille installée, je me mis à réfléchir activement, à la recherches d'éléments pour faire mon cours. De quoi devais-je parler, déjà ? J'essaya de gagner du temps.

- Oui, donc, heu ... comme je viens de le dire à votre camarade, je suis Mr. Collins et serais votre professeur durant cette initiation à ... à la philosophie.

J'avais perdu un petit peu de ma confiance en moi, avec cette aventure. C'était pas bon, pas bon du tout. On allait faire qu'une bouchée de moi si je ne me reprenais pas ...

Je repris alors mon sourire et tenta de reprendre de l'aplomb.

- Ah, la philosophie, quel art merveilleux ... je pourrais bien passer des heures à vous en parler, si j'en avais le temps ... mais je suppose que vous n'êtes probablement pas des ignorants sur ce sujet et que vous devez ainsi avoir un minimum de connaissances sur ce sujet. Avant toutes choses, je vais vous poser la question suivante : pour vous, qu'est-ce que la philosophie et quelle est son utilité ? Nous ne sommes pas dans une classe de maths ou français ; il n'y a pas de réponses justes ni fausses. Après tout, nous sommes avant tout ici pour dialoguer. Alors ? Qu'est-ce que vous pensez ?

Voilà. Chose assez avantageuse avec la philosophie, c'était que l'on pouvais sans problèmes laisser les élèves débattre sur un sujet pendant une heure sans n'avoir rien besoin de faire.